RENÉ CHAR
FRAGMENT « 138 » DES
FEUILLETS D’HYPNOS, 1943-1944
Horrible journée
! J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais
qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé ! Nous
étions sur les hauteurs dominant Céreste, des armes à faire craquer les buissons
et au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux
qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu
non de la tête… Le soleil de juin glissait un froid polaire dans mes os.
Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent eût dû le soulever de terre.
Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village pareil à un autre ? Peut-être l’a-t-il su, lui, à cet ultime instant ?
Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent eût dû le soulever de terre.
Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village pareil à un autre ? Peut-être l’a-t-il su, lui, à cet ultime instant ?
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