PHILIPPE JACCOTTET
LE LOCATAIRE
à Francis Ponge.
Nous habitons une maison légère haut dans les
airs,
le vent et la lumière la cloisonnent en se
croisant,
parfois tout est si clair que nous en oublions
les ans,
nous volons dans un ciel à chaque porte plus
ouvert.
Les arbres sont en bas, l’herbe plus bas, le
monde vert,
scintillant le matin et, quand vient la nuit,
s’éteignant,
et les montagnes qui respirent dans
l’éloignement
sont si minces que le regard errant passe au
travers.
La lumière est bâtie sur un abîme, elle est
tremblante,
hâtons-nous donc de demeurer dans ce vibrant
séjour,
car elle s’enténèbre de poussière en peu de
jours
ou bien elle se brise et tout à coup nous
ensanglante.
Porte le locataire dans la terre, toi, servante
!
Il a les yeux fermés, nous l’avons trouvé dans
la cour,
si tu lui as donné entre deux portes ton amour,
descends-le maintenant dans l’humide maison des
plantes.
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