RENÉ CREVEL (1900-1935)
NUIT
Doucement
pour dormir à l’ombre de l’oubli
ce soir
je tuerai
les rôdeurs
silencieux
danseurs
de la nuit
et dont les
pieds de velours noir
sont un
supplice à ma chair nue
un supplice
doux comme l’aile des chauves-souris
et subtil à
porter l’effroi
dans les
coins où la peau se fait craintive, émue
pour mieux
aimer, pour avoir peur
d’un autre
corps et du froid.
Mais quel
fleuve pour fuir ce soir ô ma raison ?
C’est
l’heure des mauvais garçons
L’heure des
mauvais voyous.
Deux grands
yeux d’ombre dans la nuit
seraient
pour moi si doux, si doux.
Prisonnier
des tristes saisons
Je suis
seul, un beau crime à lui
là-bas,
là-bas à l’horizon
quelque
serpent peut-être et glacé de n’aimer point.
Mais où
coule, où coule au loin
Le fleuve
dont on a besoin
pour fuir
ce soir la raison ?
Sur les
berges vont les filles
leurs yeux
sont las, leurs cheveux brillent.
Je ne sais rien dire à ces
filles
dont ils
sont
les mauvais
garçons
dont ils
sont
les fiers
maquignons.
Je suis
seul, un beau crime à lui.
Deux grands
yeux d’ombre dans la nuit
seraient
pour moi si doux, si doux.
C’est
l’heure des mauvais voyous.
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