RENÉ CREVEL (1900-1935)
ELLE
NE SUFFIT L’ÉLOQUENCE
Elle ne
suffit pas l’éloquence.
Mon cœur ce
soir se balance
Et glisse
au fil d’une paupière
Lampion de
misère
Qui
n’éclaire pas ma nuit.
Homme noir
mais non d’onyx
Homme
couleur de dépit
Titubant
par le marais des petites haines
Tu voudrais
Comme une
alouette son miroir
Un soleil
où mourir avec ta peine.
Tu cherches
mais trop inquiet
Pour
trouver ton Reposoir.
Rien ne
brille
Ni les
yeux, ni le fer, ni l’aimant anonyme
Qui
libèrent de mille clous
Tes
douleurs
Où l’essaim
des mouches au vol boiteux
Des mouches
qui n’ont qu’une aile
Allument de
piètres étoiles de sang.
Jongleur
Jongleur de paroles
Tes mots
s’écrasent contre les murs.
Ton
angoisse –encore un ruban frivole–
Couronne
Un cerveau
qui trop longtemps a joué au « pigeon vole ».
Les lettres
du désespoir
Ce soir
Sont égales
aux lettres des bonheurs d’autrefois.
Que
dirai-je alors !
Que te
dirai-je à toi
Frère né de
mes pieds.
Sur un sol
où tu ne vis que pour m’épier.
Trottoir
que j’ai suivi
Pour son
mensonge de granit.
J’ai oublié
que là-bas était la mer
Et j’ai fui
l’eau miroir d’étoiles
Pour
chanter une main
Dans une
autre main.
Fleuve vert
Enfance
douce
Pitié pour
l’homme qui passe
L’homme qui mord sa lèvre
Dans ses lèvres
Car il a
peur d’oublier le goût de bouche.
Timonier
brun, sous la toile bleue
La peau
couler de cheveux
Holà ! beau
voyageur
Tu allais
vers la mer
Maintenant
tu marches au ciel, un trou un hublot
Je suis le
noyé des terres.
Dis qu’il
n’est pas trop tard
O mon
orgueil, pour jouer au phare.
Et sur le matelas
des herbes tendres
Tombe en
triangles de métal.
Mon cœur
aura beau hurler son mal
Mon cœur
j’en ferai des lanières
Des
lanières que je saurai teindre
Ou tordre
en chiffres
Plus
définitifs
Que les
œufs dans leurs coquilles
Et les
momies dans leur robe d’or.
Et toi, mon
corps, maudis les sens comme un malade ses béquilles.
1924
Δεν υπάρχουν σχόλια:
Δημοσίευση σχολίου